Le Collège Sévigné a eu la joie d’accueillir le 14 décembre 2023 dans les murs de l’école primaire du boulevard Arago (XIVe arr.), le séminaire Petite enfance co-dirigé par Christophe Joigneaux (UPEC), Bérengère Kolly (UPEC) et Patricia Legris (Rennes II).
Nous vous proposons un compte-rendu des échanges lors de cette journée :
Lucas Decraene, archiviste du Collège Sévigné, accompagné de Giulia Puma, directrice du département du supérieur, a débuté par une présentation du partenariat qui lie le Collège Sévigné et le laboratoire Tempora de l’université de Rennes II autour de l’axe histoire de l’éduction de l’IRCS. Il est également revenu sur les fonds d’archives du Collège Sévigné qui présentent un intérêt pour les participants au séminaire (registre d’élèves de classes enfantines et d’étudiantes du cours pédagogique, photographies, cahiers de comptes-rendus de stages…).
Zoé Poli et Bérénice Bernard, doctorantes en histoire de l’éducation, ont ensuite évoqué dans une communication conjointe leurs deux sujets de thèses :
Zoé Poli, doctorante contractuelle à l’université Lumière Lyon 2 sous la direction de Marianne Thivend et lauréate de la bourse de la fondation Mustela, a présenté ses recherches autour de la formation des infirmières puéricultrices et des auxiliaires de puériculture (aujourd’hui appelés les métiers du care) en France entre 1947 et 2011.
Bérénice Bernard, doctorante à l’Institut d’études politiques de Paris et à l’Université de Genève, sous la co-direction de Paul-André Rosental et de Joëlle Droux, a présenté ses recherches comparées (Angleterre, France, Suisse) sur la prise en charge des jeunes enfants dans la seconde moitié du XXe siècle.
L’après-midi, Patricia Legris (Rennes II) a présenté son projet d’HDR sur le « triomphe de l’école maternelle en France entre les années 1920 et 1980 », puis Michel Christian (Genève) a présenté le projet collectif portant sur une comparaison des développements différenciés de l’école maternelle et des jardins d’enfants dans différents pays européens (France, Allemagne, Suisse) dans la seconde moitié du XXe siècle.
Les deux doctorantes exploitent quatre types de sources :
- Les archives des écoles de formation,
- Les archives des organisations syndicales,
- Les archives de l’histoire orale (interviews des acteurs),
- Les archives étatiques.
Leurs sources, très variées, peuvent s’avérer difficiles à obtenir. Elles se trouvent dans des centres d’archives parfois fermés et/ou dans des pays étrangers. Ces recherches en cours contribuent à une histoire sociale du genre tant les acteurs concernés sont dans leur immense majorité des femmes, des actrices de la petite enfance (ce qui explique le titre donné à la journée). Les doctorantes ont recours à des méthodes d’histoire quantitative tant les sources sont nombreuses et difficiles à synthétiser. L’histoire des métiers féminins de la petite enfance française et européenne qu’elles s’efforcent d’écrire fait tout leur place aux archives institutionnelles qui structurent ces professions, tout comme aux témoignages directs des professionnelles concernées.
Mme Legris insiste sur l’attention qu’elle accorde dans son enquête non seulement à la France hexagonale mais encore à la Corse et aux DROM-COM (en particulier la Guyane et la Martinique). Elle mobilise des sources aussi variées que les archives nationales, départementales, communales ou encore privées ainsi que les revues spécialisées et les statistiques ministérielles (ces dernières surtout depuis les années 1970) pour expliquer comment, en France, c’est l’école maternelle qui s’est massivement imposée comme établissement de scolarisation pour les 3-6 ans.
En dialogue avec la recherche de Mme Legris, le projet co-porté par Michel Christian prend tout son sens puisqu’il est centré sur la comparaison des formes de scolarisation des petits à l’échelle européenne. M. Christian étudie la genèse dans les instances internationales type UNESCO de la prise en charge de la petite enfance : l’OMEP (Organisation mondiale de l’éducation préscolaire) fondée en 1948, avec des comités nationaux, en est l’une des principales porteuses. Grâce au travail de comparaison, il ressort que la massification de l’école maternelle est un phénomène français tandis que chez les voisins européens, les formats d’accueil restent davantage variés avec le recours au jardin d’enfants au premier chef. L’enquête de M. Christian inclut également une attention au parcours individuel des acteurs et actrices de ces institutions d’accueil. Ainsi, chez les doctorantes comme chez les chercheurs confirmés ayant pris la parole ce 14 décembre, l’attention est portée à l’histoire institutionnelle comme à la sociologie des acteurs et actrices.
Il ressort de l’ensemble des recherches présentées et des discussions qui s’en sont suivies que ce domaine se caractérise par des archives très abondantes mais aussi très lacunaires. Ce paradoxe pousse les chercheurs et chercheuses à multiplier les sources qui leur permettent de retracer au plus juste l’histoire de la prise en charge scolaire des jeunes enfants.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Lucas Decraene (15 décembre 2023). Retour sur le séminaire Actrices de la petite enfance – 14 décembre 2023. Institut de Recherche du Collège Sévigné (IRCS). Consulté le 7 octobre 2024 à l’adresse https://ircsevigne.hypotheses.org/1361